Depuis le 05 février 2024, des élèves des classes de 3ème en Terminale, toutes séries confondues, vivent une expérience d’apprentissage littéraire originale grâce au Programme « J’écris au Cameroun » (PJAC), lancé par Sara Augustine Timb. Cette initiative de la lauréate du diplôme d’honneur du prix international de poésie Léopold Sédar Senghor 2021, marque une nouvelle ère dans l’enseignement de la littérature au Cameroun
Bonjour Sara, nous sommes ravis de vous avoir avec nous aujourd’hui. Nous souhaiterions discuter avec vous du Programme « J’écris au Cameroun » (PJAC) que vous avez initié, qui propose une approche ludique dans l’enseignement de la littérature. Pourriez-vous nous parler de ce qui vous a inspiré à initier le Programme « J’écris au Cameroun » ?
Le Programme « J’écris Au Cameroun » s’inspire et s’adosse sur deux convictions fortes : la première, nous la tenons d’Edgard Morin : « Chacun cache en lui un poète, un philosophe, un enfant. Je crois plus que jamais qu’il faut sans relâche essayer de donner la parole à tout être humain. » La deuxième, tenir une lumière entre ses mains sans endurer et la transmettre aux autres est un acte difficile, mais béni et nous en avons besoin pour inonder les consciences de lumière. C’est donc ces poètes que nous sommes allés chercher au moyen du PJAC et c’est cette ferveur littéraire que nous avons voulu transmettre aux plus jeunes tout en les ouvrant au patrimoine culturel de la langue française dans un contexte où les jeunes sont de moins en moins intéressés par la lecture ou l’écriture. Voilà ce qui nous a inspiré à faire ce programme.
Quel est le contexte actuel de l’enseignement de la littérature au Cameroun et quels sont les défis rencontrés selon vous ?
L’enseignement de la littérature au Cameroun telle qu’il est dispensé dans nos établissements scolaires se fait généralement par l’étude des œuvres au programme sous la supervision d’un enseignant en fonction et dans une période précise. Cependant, dans notre société le système éducatif ne comprend aucun programme visant à développer chez les élèves l’aptitude de libérer leur imaginaire et/ou d’assurer une prise de parole en public. Je pense que voilà l’un des principaux défis.
– Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste cette approche ludique dans l’enseignement de la littérature ?
L’approche ludique consiste à créer un climat de véritable confiance et de liberté durant les ateliers afin que nos amis (élèves passionnés) ressortent ce qu’ils en ont en eux. Par cette méthode, nous mettons l’accent sur les aspects psycho-affectifs que l’on trouve dans le jeu comme des éléments clés du processus de création artistique ou littéraire.
Comment avez-vous décidé d’intégrer le jeu et la pédagogie dans votre programme ?
De deux manières : d’abord durant les ateliers avec la méthodologie employée et harmonisée dans tous les établissements scolaires cibles et puis également avec le championnat de poésie interscolaire qui a vraiment été un moment ludique et de création d’un lien social entre tous les élèves enrôlés dans le cadre de ce programme.
Quelles sont les étapes concrètes du PJAC ?
Le PJAC a trois phases principales : d’abord, une phase de sélection qui vise à retenir des élèves faisant montre d’une âme littéraire, ensuite, une seconde phase qui a duré trois jours et consistant à organiser des ateliers d’écriture et de lecture dans les établissements scolaires ciblés et enfin, la dernière, le championnat de poésie interscolaire ayant rassemblé tous les participants sur une journée.
Pourriez-vous nous parler de votre expérience dans l’organisation des ateliers d’écriture et de lecture ainsi que du championnat de poésie interscolaire ?
Personnellement, c’était ma première fois d’organiser des ateliers d’écriture et de lecture ainsi qu’un championnat de poésie interscolaire. Par le passé, j’ai assisté à des ateliers d’écriture et de lecture dans une casquette d’apprenante et non d’organisatrice. L’idée que je me fais globalement du PJAC est celle d’un projet ambitieux, émancipateur et rassembleur qui m’a permis à moi aussi d’apprendre.
Avez-vous déjà observé des résultats ou des changements significatifs chez les élèves participant à votre programme ?
Les résultats ont été visibles dès la première phase du programme où nous avons vu des productions écrites nettement meilleures que celles qu’il nous ait été donné de voir durant la phase de sélection. D’aucuns parmi eux avaient des difficultés à déclamer leurs productions, mais nous les avons vu s’exprimer devant un public durant les répétitions et le championnat avec assurance et sans avoir besoin de lire.
Quels sont les principaux avantages que vous voyez dans ce type d’approche pour les élèves ?
L’approche ludique a le bénéfice de permettre aux apprenants de prendre conscience d’une aspiration qu’ils portent déjà en eux ; de les permettre en toute liberté d’explorer leurs potentialités littéraires tout en apprenant de l’un comme de l’autre dans une ambiance conviviale débridée de toutes compétitions malsaines.
Avez-vous bénéficié de partenariats ou de soutiens particuliers dans la mise en œuvre de votre programme ?
Oui, et nous sommes éternellement reconnaissants et heureux d’avoir pu affirmer les valeurs de ce programme avec des femmes, des hommes, des entreprises et associations qui à l’unisson ont contribué à sa mise en œuvre.
Comment envisagez-vous d’étendre ou de pérenniser ce programme à l’avenir ?
Pour sa pérennisation, nous entendons impliquer plus d’acteurs et de contributeurs ; d’élargir l’éventail des parties prenantes afin de faire de l’initiative un grand rendez-vous annuel de transmission, de créativité et d’apprentissage pour la jeunesse camerounaise.
Propos recueillis par Aristide Ayolo