Promotion de la littérature d’Afrique francophone.

En tant que Think-Tank, nous avons pour ambition d’échanger avec toutes les forces vives qui souhaitent faire réussir les jeunes.

Entretien exclusif avec M. Tom Dilly, Co-fondateur du Think-Tank Forum 2040 dans le cadre du lancement du concours des Futurs

Quels sont les principaux objectifs de ce concours pour Forum 2040 ?

 Ce concours vise à stimuler la production des imaginaires de nos jeunes et à faire émerger des récits positifs sur l’avenir de l’Afrique et de ses systèmes éducatifs. 

Pour cela, nous souhaitons accompagner 150 jeunes agés de 14 à 30 ans, issus de pays et d’ horizons différents, et les soutenir pendant 2 mois pour développer des compétences en écriture positive et en création de récits futuristes, ainsi que des compétences d’illustration et de créativité grâce à un outil d’intelligence artificielle.

 En quoi ce concours s’inscrit-il dans la mission globale de votre organisation ?

La mission de Forum 2040 est de faire émerger de nouveaux imaginaires éducatifs en Afrique et de penser et bâtir les écoles de demain. Ce concours permettra de promouvoir des récits originaux conçus par des jeunes, ancrés dans les réalités et tournés vers l’avenir. Ces créations qui viendront enrichir nos publications et notre plaidoyer et ainsi démontrer que les jeunesses africaines ont toute leur place pour penser l’avenir du continent.

Comment avez-vous eu l’idée d’impliquer les jeunes dans la réflexion sur l’avenir de l’éducation en Afrique ? 

Impliquer les jeunes dans nos activités dans l’ADN même de notre organisation. Nous sommes un thinktank rassemblant des jeunes et souhaitant faire entendre et valoir la voix des jeunes dans la transformation de l’éducation. Ils et elles sont les premiers acteurs qui vont incarner et diriger cette transformation dans les années à venir.

Quels sont les changements que vous espérez voir émerger grâce à ce concours, tant au niveau individuel que collectif ? 
Ce concours est l’occasion pour de nombreux jeunes de pouvoir trouver un cadre et un appui pour penser à l’avenir de leur école, de leur communauté. Il a aussi pour objet de faire dialoguer des jeunes issus de pays et régions, d’horizons et de parcours différents, et ainsi favoriser des échanges et une diversité de visions qui seront précieux pour préparer l’avenir.

Nous espérons qu’un maximum de jeunes ressortent du concours avec une plus grande confiance en eux pour créer des récits et porter des idées, et une envie de s’engager pour initier et soutenir des améliorations concrètes à tous les étages de leur écosystème éducatif.

Comment envisagez-vous de mesurer l’impact de ce concours sur les participants et sur les systèmes éducatifs africains ? 
L’impact du concours rejoint l’impact recherché pour toutes les activités de recherche et de plaidoyer de Forum 2040: 

  • façonner des imaginaires positifs et ancrés dans nos réalités pour transformer nos écoles et nos pratiques éducatives et faire émerger des systèmes plus en phase avec les aspirations de nos jeunes et avec les défis globaux à relever
  • faire grandir la voix et le poids des nouvelles générations dans le débat et la prise de décision, à tous les étages des écosystèmes éducatifs, de la salle de classe jusqu’au bureau des ministres.

Ce concours est une première édition et nous espérons préparer des éditions futures avec plus de participants, plus de partenaires et un écho élargi pour mettre en valeur les récits illutrés des participants.

La vision de Forum 2040 pour l’éducation en Afrique

Pouvez-vous nous expliquer plus en détail ce que vous entendez par « écosystèmes apprenants de demain » ? 

En mars dernier, nous publions le Manifeste de Forum 2040 pour une Révolution éducative en Afrique. Nous voulions alerter les acteurs de l’éducation, en Afrique et partout ailleurs, que face à l’ampleur des enjeux à venir, notamment celui de former et d’insérer dignement notre jeunesse dans la société, nous ne pouvions plus poursuivre avec les systèmes éducatifs hérités du passé. Nombre d’entre eux ont été pensés à des époques révolues, proposent encore des contenus inappropriés et des méthodes pédagogiques inefficaces. Nombre d’entre eux n’ont pas pris en compte les opportunités du numérique et de l’IA et conservent des pratiques qui sont loin de répondre aux attentes des apprenants. 

D’importantes transformations sont donc nécessaires et sont déjà en cours: de l’école maternelle à l’université, beaucoup d’initiatives prometteuses incarnent les briques du futur. Nous devons répondre collectivement à une “crise de l’imagination” par “un sursaut d’innovation et de mobilisation”, en bâtissant de nouveaux systèmes apprenants qui s’appuient sur toutes les forces vives de la société. Bâtir avec les enseignants et les écoles car ils demeurent au centre du jeu. Mais nous devons aussi penser à l’école “hors les murs” et impliquer l’ensemble des acteurs qui concourent (depuis très longtemps) à l’apprentissage et à l’accompagnement de nos enfants et de nos jeunes. Les familles, les communautés, les entreprises, les structures confessionnelles et celles de la société civile : ce sont des alliés qu’on a trop peu intégrés dans nos systèmes éducatifs modernes et qui pourtant sont incontournables pour réussir.

En puisant enfin dans la force de nos cultures endogènes (nos langues, nos cultures, notre Histoire commune) et en stimulant la créativité des jeunes, nous serons capables de mieux préparer une série de transformations pérennes pour faire advenir des systèmes apprenants plus en phase avec les réalités d’aujourd’hui et les nécessités de demain.

Quels sont les principaux défis et opportunités pour développer ces écosystèmes en Afrique ? 

Ils sont nombreux mais on peut citer deux grandes opportunités:

En appui des enseignants, le numérique et l’IA nous offrent la capacité de déployer des parcours d’apprentissage très modulables, directement connectées à des connaissances issues du monde entier: c’est prometteur et nous devons veiller à une souveraineté sur les technologies de l’éducation pour garantir que nos solutions seront adaptées et accessibles à tous nos jeunes.

L’autre opportunité, c’est la créativité et l’énergie vitale de nos jeunes : devant l’immensité des défis sociaux et environnementaux actuels, ils et elles vont réussir à porter des solutions avec une vision entrepreneuriale, une approche panafricaine et une coopération internationale que d’autres générations avant eux n’ont pas pu mobiliser pleinement.

Comment l’innovation, notamment l’utilisation de l’intelligence artificielle, peut-elle transformer l’éducation en Afrique ? 

L’innovation est nécessaire pour repousser les frontières du possible dans nos écoles. Si l’on prend le cas de l’IA, on sait désormais qu’elle pourrait faire gagner en productivité nos enseignants et dégager du temps pour le suivi individualisé des élèves. Ces derniers pourront aussi apprendre à stimuler de nouvelles compétences plutôt qu’à rester focaliser sur des connaissances froides. C’est un virage pédagogique et sociétal à prendre pour transformer l’opportunité de l’IA et du numérique en impacts positifs et concrets pour l’apprentissage des jeunes.

Quels sont les risques associés à l’intégration de nouvelles technologies dans les systèmes éducatifs et comment les mitiger ? 

Le risque principal serait de penser que les solutions technologiques se suffisent à elles mêmes et qu’on pourra compter le nombre de connexions supplémentaires chaque jour sur nos tableaux de bord pour constater un progrès. Non, pour que les technologies soient utiles et pertinentes, on doit repenser tout le système dans son ensemble: la formation des enseignants, l’évaluation des compétences, l’accessibilité et la connectivité sur le territoire, les effets sanitaires et psychologiques des écrans…

Pourquoi est-il essentiel d’impliquer les jeunes dans la réflexion sur l’avenir de l’éducation ? 

On a parfois prétendu que les experts internationaux et les décideurs locaux avaient une très bonne connaissance du terrain pour financer et mettre en place des progrès à petit pas dans les écoles. Mais comme nous l’avons expliqué précédemment, lorsqu’on ne mobilise pas les premiers publics concernés, ici les apprenants et les enseignants, il y a assez peu de chance qu’on puisse aboutir à des transformations sociales pérennes. C’est évidemment le cas pour les systèmes éducatifs.

En faisant le pari de l’intelligence collective et en impliquant nos jeunes générations dans la prise de décision, nos dirigeants ont l’occasion de refonder nos écoles et de réussir “le sursaut d’innovation et de mobilisation” nécessaire à la révolution éducative en cours.

Quelles sont les qualités et les compétences que vous recherchez chez les jeunes participants à ce concours ? 

Notre concours est ouvert à toutes celles et ceux qui veulent penser à écrire les futurs. Nous encourageons donc les futurs participants de venir avec leur imagination et leur détermination pour créer des récits palpitants, stimulants, qui dévoilent des visions riches et fécondes sur notre avenir.

Le futur de l’éducation en Afrique 

Quelles sont les principales tendances qui vont façonner l’avenir de l’éducation en Afrique dans les prochaines années ?

Nous travaillons sur les scénarios de transformation de l’éducation d’ici à 2040 ; nos premières enquêtes montrent que certaines tendances sont très fortes:

  • les outils numériques vont se déployer partout et seront intégrés dans de nombreuses pratiques pédagogiques, en complément des enseignants dont le rôle va évoluer vers de l’accompagnement plutôt que la transmission.
  • les compétences du XXIeme sont transversales, pratiques et entrepreneuriales: nous devons nous préparer à accompagner des jeunes à entreprendre et à se (re)former en permanence, tout en préservant un socle commun de connaissances et un esprit critique majeur.
  • la part de l’enseignement privé (lucratif et non lucratif) va grandir, ce qui va demander aux Etats d’accroitre leurs efforts pour homogénéiser les pratiques et définir des standards de qualité pour chaque salle de classe, qu’elle soit virtuelle ou physique

Comment les crises (santé, climatique, etc.) impactent-elles les systèmes éducatifs et comment s’y adapter ? 

La pandémie du COVID nous a montré à quel point les crises peuvent mettre en danger nos systèmes et nos acquis. Ces crises qu’elles soient globales ou locales nécessitent de penser la résilience de nos systèmes éducatifs. Avec les bouleversements climatiques, nous savons qu’elles vont se multiplier. Il est donc impératif de préparer des systèmes éducatifs qui fonctionnent même en cas d’interruption d’internet, même en cas de problème d’approvisionnement de matériel informatique, même en cas de restriction de circulation des biens ou des personnes entre pays. Ainsi, on devrait sans doute préparer des plans éducatifs d’urgence pour que nos enfants continuent à apprendre auprès de leur communauté avec des kits de première nécessité pédagogique et des référents dans chaque commune prêts à mettre en place des organisations adéquates en cas de crise.

Quels types de partenariats sont nécessaires pour transformer l’éducation en Afrique ? 

Nous sommes tous concernés pour réussir le défi de l’insertion de la jeunesse. Il est désormais temps de bâtir des coalitions d’acteurs locaux et internationaux (écoles, universités, entreprises, associations) capables d’aller chercher les financements internationaux et tous les appuis politiques nécessaires pour déployer des solutions éducatives qui fonctionnent à grande échelle. Une des clés de la réussite sera d’être capables de bâtir des espaces panafricains pour que les innovateurs éducatifs, qu’ils soient issus du Maroc, du Kenya, du Sénégal ou du Mozambique se parlent, collaborent et s’allient pour aller plus loin.

Comment Forum 2040 travaille-t-il avec les gouvernements, les entreprises, les organisations de la société civile et les institutions académiques ? 

En tant que think tank, nous avons pour ambition d’échanger avec toutes les forces vives qui souhaitent faire réussir les jeunes. Notre travail de recherche-action doit s’inscrire dans des collaborations avec des institutions académiques, notre plaidoyer peut rejoindre celui de la société civile, nos ressources et nos productions seront utiles à toutes les écoles et les universités qui veulent contribuer à la transformation de l’éducation.

 Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans la transformation de l’éducation en Afrique ? 

Depuis mon adolescence, j’ai cherché à comprendre et à soutenir les modèles éducatifs du monde entier. Je me suis engagé pour l’apprentissage et l’insertion dans les milieux carcéraux en France, pour le mentorat scolaire dans les banlieues de Lima au Pérou et dans une dizaine de pays en Afrique pour le financement et le développement des écoles professionnelles et des universités. Pour moi, rien n’a plus de sens et rien n’est plus motivant que de mettre son énergie au service des écoles et des personnes qui accompagnent nos jeunes à préparer leur avenir. Parce qu’on sait pertinemment que chaque effort, chaque progrès établi dans l’éducation est un pas supplémentaire vers une société de justice et d’opportunités pour chacun.

Quel est votre plus beau souvenir lié à ce travail ?

Ma mémoire est pleine de souvenirs heureux dans les écoles du continent. Je repense notamment à notre premier atelier de recherche à Dakar en décembre 2023, avec une trentaine de jeunes issus de plusieurs établissements de la capitale sénégalaise et de sa banlieue. Nous avons demandé aux jeunes de préparer et déclamer des contes à la fois traditionnels et futuristes. Leur restitutions devant toute la classe étaient pleine de poésie, drôles, enthousiasmantes. Quand j’ai vu les réactions du public, quand j’ai vu les regards joyeux de nos participants, j’ai compris qu’il n’était pas vain de créer des moments de partage où l’on se dit : oui, on va y arriver et ça commence aujourd’hui. 

Quels sont les prochains défis que Forum 2040 souhaite relever ?

A ce jour, nous débordons d’idées et d’ambition pour contribuer à la transformation des écoles sur le continent africain. Nos défis sont multiples: continuer d’entrainer avec nous un maxium d’acteurs, renforcer notre ancrage dans plusieurs pays, bâtir notre identité panafricaine et notre positionnement local, trouver les financements et les appuis qui permettront de pérenniser nos actions. Nous sommes plus que jamais déterminés et ce Concours des Futurs est ’une première étape importante pour accomplir notre mission.

Propos recueillis par Steve Dimouck




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